Conflits avec Philippe IV de France
Philippe IV a contré ou même empêché la publication de Clericis laicos par une ordonnance interdisant toute exportation d’argent et d’objets de valeur de France et par l’expulsion des marchands étrangers. Bien que ces mesures constituaient une menace sérieuse pour les revenus papaux, elles n’auraient probablement pas forcées Boniface aux concessions de grande envergure qu’il devait accorder au roi de France dans l’année, concessions qui équivalaient presque à la révocation de Clericis laicos. La nécessité de se réconcilier était principalement le résultat d’une insurrection contre Boniface par une partie de la famille Colonna, une puissante famille romaine anti-papale qui comprenait deux cardinaux, aboutissant au vol à main armée d’une grande quantité de trésor papal en mai 1297. Une année d’action militaire contre les Colonna a suivi, qui s’est terminée par leur reddition inconditionnelle. Ils ont été absous de l’excommunication mais n’ont pas été réintégrés dans leurs fonctions et leurs possessions. Ils se rebellèrent donc à nouveau et s’enfuirent; certains d’entre eux sont allés chez Philippe, avec qui ils avaient conspiré, peut-être même avant la question de Clericis laicos.
Le premier conflit de Boniface avec le roi de France a été suivi d’une réconciliation apparente, qui a été soulignée par la canonisation par le pape du saint ancêtre de Philippe, Louis IX. Un second conflit, qui a éclaté en 1301 autour des accusations forgées de toutes pièces contre un évêque du sud de la France, Bernard Saisset de Pamiers, et son procès sommaire et son emprisonnement, s’est avéré inconciliable. Maintenant, le roi menaçait et voulait détruire l’un des gains les plus fondamentaux que la papauté avait réalisés et maintenus dans les grandes luttes des deux derniers siècles: contrôle papal, plutôt que laïque, du clergé. Le pape ne pouvait pas faire de compromis ici, et dans la bulle Ausculta fili (« Écoute Fils”), il réprimanda vivement Philippe et exigea réparation, en particulier la libération de l’évêque, qui avait fait appel à Rome. Au lieu de cela, le chancelier du roi, Pierre Flotte, fut autorisé à diffuser un extrait déformé de la bulle et ainsi à préparer l’opinion publique à la grande assemblée des États généraux (le corps législatif de la France) en avril 1302, dans laquelle nobles et bourgeois avec enthousiasme, et le clergé à contrecœur, soutenaient le roi.
Boniface semble néanmoins avoir de bonnes raisons d’espérer une fin favorable du conflit, car l’armée de Philippe fut peu après défaite désastreuse par une ligue de citadins flamands et parce que le roi d’Allemagne et futur empereur, Albert Ier de Habsbourg, était prêt à renoncer à son alliance française si le pape reconnaissait la légitimité contestée de son règne. Cette reconnaissance a été accordée au début de 1303 dans des termes qui exaltaient la relation idéale et traditionnelle, bien que rarement réalisée, harmonieuse entre la papauté et le Saint-Empire romain germanique. Cet empire était maintenant dit par le pape de posséder – sous la suprématie papale ultime – une suzeraineté sur tous les autres royaumes, y compris la France.
En novembre 1302, Boniface avait publié une déclaration encore plus fondamentale concernant la position de la papauté dans le monde chrétien, la bulle Unam sanctam (« Un Saint”), qui est devenue le plus connu de tous les documents papaux du Moyen Âge en raison de sa formulation prétendument radicale et extrême du contenu de la charge papale. Le taureau dans son ensemble est en effet une invocation forte mais non nouvelle de la suprématie du spirituel sur le pouvoir temporel. Néanmoins, la vieille doctrine gélasienne selon laquelle les deux pouvoirs sont distincts et les deux sont de Dieu est clairement énoncée, et dans la phrase dogmatique finale, le pape ne parle pas du pouvoir temporel mais de la créature humaine comme objet de la plénitude papale du pouvoir, auquel la soumission est dite nécessaire au salut.
Pendant ce temps en France, Guillaume de Nogaret, conseiller de Philippe IV, avait pris la place de Flotte à la tête d’une politique royale activement anti-papale. Philippe a été soutenu dans cette politique par d’autres ennemis du pape, y compris le légat que Boniface avait envoyé en France dans ces mois critiques et qui a trahi son maître, le cardinal français Jean Lemoine (Johannes Monachus). De nombreuses accusations injustifiées contre Boniface, allant de l’entrée illégale dans la charge pontificale à l’hérésie, ont été soulevées contre lui lors d’une réunion secrète du roi et de ses conseillers tenue au Louvre à Paris; ces accusations seront reprises et développées plus tard lors du procès posthume contre le pape poursuivi par Philippe IV. Peu après la réunion du Louvre, au cours de laquelle Nogaret avait exigé la condamnation du pape par un conseil général de l’Église, Nogaret se rendit en Italie pour susciter, si possible, une rébellion contre le pape.