Chemin pyrénéen – GR10

Jeune sanglier également connu sous le nom de humbugs © Laurence Terminet

Jeune sanglier également connu sous le nom de humbugs © Laurence Terminet

Le National Trust a récemment annoncé son intention de tuer les sangliers vivre sur son domaine de Stourhead en raison de craintes pour la sécurité publique. Pourtant, les défenseurs du rewilding affirment qu’ils ne sont pas dangereux. Avec une population de sangliers de 1635 dans la forêt de Dean, une autre concentration dans le Weald et des observations dans toute la Grande-Bretagne, le débat risque de se poursuivre.

Alors, à quel point les sangliers sont-ils dangereux? En Grande-Bretagne, il y en a quelques milliers; en France, nous en avons deux millions. Ici en France, malgré les décès humains – presque exclusivement des accidents de chasse et de la route – malgré leur potentiel de transmission du virus, malgré les dommages causés aux cultures, ils ne sont pas considérés comme plus dangereux que les gros chiens. Pourquoi?

Extrait de work in progress The Invraisemblable Rewilding of the Pyrenees: Notes for Britain

Les sangliers sont déjà à mi-chemin de la passerelle de l’Arche de rewilding britannique. Bien que les castors fassent actuellement une offre pour la tête, les sangliers se sont déjà frayés un chemin devant les lynx et les loups.

Il y a deux millions de sangliers en France, un chiffre en augmentation, en partie à cause des hivers plus doux. Avec autant de gens autour, les promeneurs en rencontrent régulièrement des signes: empreintes de sabots dans la boue; herbe arrachée pour les racines comestibles; une parcelle d’écorce manquante sur les arbres où ils se sont frottés pour se débarrasser des parasites. Randonnée en forêt, je suis parfois surpris par un bruissement dans les sous-bois. Il est suivi d’un grognement offensé, puis d’un écrasement sauvage alors que le sanglier s’envole, brisant les branches tombées. La cascade de sons augmente à mesure que les oiseaux prennent l’aile et répètent l’alarme. Mais je n’ai vu que trop occasionnellement des sangliers, toujours au crépuscule, lorsqu’ils sont à la recherche de leur repas du soir. La dernière fois, éclairée par les phares de ma voiture, une grosse truie traversait la route. Elle était suivie de trois femelles plus petites et d’une série de jeunes, identifiables par leurs rayures horizontales brunes et dorées, se balançant derrière. Difficile de dire combien de jeunes, six – sept- huit; j’ai freiné alors qu’ils disparaissaient dans une vigne. Les voir traverser innocemment la route a ajouté une touche de magie à ma soirée, d’autant plus que j’ai réussi à freiner assez tôt pour qu’ils s’enfuient.

Sanglier © Laurence Terminet

Sanglier © Laurence Terminet

Malheureusement, tout le monde n’a pas autant de chance avec les porcs de route. En France, il y a des dizaines de milliers d’accidents chaque année impliquant des sangliers et des cerfs, le sanglier représentant environ 40% d’entre eux. Une étude, aujourd’hui âgée de plus de dix ans, a noté que ces accidents – ainsi que les décès et les blessures des malheureux animaux – coûtent 200 millions d’euros par an et tuent une trentaine de personnes. (Les collisions avec des animaux sauvages représentent moins d’un pour cent des décès humains.)

Pour mémoire, il y a environ trente-cinq accidents de la circulation impliquant des sangliers dans la forêt de Dean chaque année. Il n’y a eu qu’un seul accident de voiture mortel en Grande-Bretagne: en janvier 2015, un homme a été tué sur la M4 dans le Wiltshire lorsqu’un sanglier s’est précipité devant lui. Il y a peut-être quelques milliers de sangliers en Grande-Bretagne; nous en avons des millions sur le continent. Bien qu’il y ait une certaine inquiétude au sujet des accidents ici, il n’y a pas d’appel à l’extermination du sanglier.

Il y a aussi des morts dans des accidents de chasse. Personnellement, je ne me sens pas en sécurité quand j’entends le bruit des armes. Deux personnes vivant dans des villages voisins ont été tuées au cours des dix dernières années. La première était une femme qui se promenait dans les vignes avec son petit-fils. Le sanglier avait été blessé par balle et fuyait les chasseurs. Quand il a vu la femme et l’enfant, il a chargé: ils étaient coincés entre deux rangées de vignes. Seul l’enfant était assez agile pour se glisser entre les plantes.

La deuxième victime était en train de ramasser des champignons. Se penchant, séparant les sous-bois, grattant la terre, il fut pris pour un sanglier. Le chasseur n’avait pas payé son permis, la chasse au sanglier était de toute façon interdite ce jour-là et, pour couronner le tout, il était policier à la retraite !

En moyenne en France, quinze personnes sont tuées chaque année dans des accidents de chasse – encore une fois principalement liés au sanglier et au cerf – mais avec quelque quatre millions de balles qui volent, ce n’est peut-être pas si surprenant. Logiquement, les Français ne blâment pas le sanglier pour les accidents de chasse, ils blâment les chasseurs; en effet, la chasse est de moins en moins populaire, en partie à cause de la mort de non-chasseurs.

Je suis désolé pour ces gens qui meurent, mais il serait saugrenu de blâmer les sangliers. Le risque fait partie de la vie et la présence ou l’absence de millions de sangliers en France ne fait aucune différence significative sur le nombre de décès.

Mais les sangliers font-ils des attaques non provoquées sur les humains? Une étude publiée en 2013 a identifié une moyenne de 3,8 décès humains par an dans le monde. Bien que les statistiques soient largement basées sur des reportages dans les journaux et que le chiffre réel soit plus élevé, il est clair que les sangliers ne sont pas significativement dangereux en eux-mêmes. Ici, en France, où il y a un sens des proportions sur le niveau de danger, seuls les incidents les plus dramatiques sont signalés. En Grande-Bretagne, en revanche, les sangliers sont si dignes d’intérêt que même l’événement le plus trivial peut mériter l’attention des journaux nationaux. Le 11 janvier 2018, le Daily Telegraph rapportait qu’un homme promenant son chien dans la forêt de Dean avait perdu le bout de son doigt à la mâchoire d’un sanglier : juste le dessous de son doigt, son empreinte digitale, laissant l’ongle intact. Rien de plus ! Pourtant, la psychose à propos de cet animal sauvage « dangereux » est telle qu’un journal sérieux donnera de l’espace à l’attaque sur sa une.

Qu’en est-il de la transmission du virus? Il est vrai que le sanglier pourrait devenir un réservoir caché pour la fièvre aphteuse, la peste porcine africaine ou la brucellose. Cependant, compte tenu de la protection offerte par le Chenal et de la faible densité de sangliers en Grande-Bretagne, même le très prudent DEFRA ne considère pas les risques importants. Mais les sangliers doivent être surveillés, un rôle joué sur le continent par les chasseurs.

Sanglier sous-adulte (bête rousse en France) © Laurence Terminet

Sanglier sous-adulte (bête rousse en France) © Laurence Terminet

En ce qui concerne les dommages aux cultures en France, il a atteint un pic de 37 millions d’euros en 2010, bien que il est retombé à 20 millions d’euros en 2016. DEFRA pense que les dommages aux cultures seront un problème minime compte tenu du nombre de sangliers, en particulier par rapport à la faune commune comme les lapins, qui coûte environ 155 millions de livres par an. Un facteur qui limitera la population de sangliers est la faible proportion de couvert arboré, son habitat de prédilection : 13% en Grande-Bretagne contre 31% en France.

Oui il y a des inconvénients à la présence de sangliers, mais personne en France n’appelle à une extermination en gros. Et en Grande-Bretagne, les faibles chiffres signifient que les inconvénients ne pèseront pas lourd dans la balance.

Du côté positif, le sanglier est l’une des espèces les plus acceptables pour le rewilding, comme George Monbiot l’a démontré dans Feral et dans ses articles de Guardian. Considéré comme une espèce clé de voûte, le sanglier est souvent cité comme un ingénieur des écosystèmes, un animal qui a un effet sur l’environnement allant bien au-delà de ce à quoi on pourrait s’attendre compte tenu de ses effectifs (comme Monbiot lui-même). Ils – les sangliers – sont principalement reconnus pour être capables de déraciner les fougères – comme un rotovator – tout en butinant, permettant ainsi aux jeunes arbres de prendre racine. Le contrôle artificiel de la fougère est un processus difficile nécessitant la coupe, l’enlèvement de la litière et des herbicides sur cinq ans. Si le sanglier peut être prouvé efficace, il pourrait devenir une sorte d’éco-guerrier animal.

Sanglier : dangereux, mal aimé, inadapté ? Une charge de hogwash.

***

Il y a beaucoup plus à sanglier. Dans The Invraisemblable Rewilding of the Pyrenees: Notes for Britain, j’examinerai leur signification culturelle et parlerai à un chasseur. Et en les regardant dans le contexte plus large du rewilding parrainé par l’État avec les carnivores apex: les ours et les loups.

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