Sir Wilfrid Laurier

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Au fur et à mesure que Laurier devint ministre du Revenu intérieur (1877-1878) et finalement chef du Parti libéral d’opposition en 1887, il chercha constamment à rassembler ses compatriotes sur les questions qui ont depuis été reconnues comme les thèmes dominants de la politique canadienne moderne: les relations de l’Église et de l’État, l’entente biculturelle entre les Canadiens francophones et anglophones, l’association du pays avec l’Empire britannique et les relations avec les États-Unis. L’un des moments forts politiques de ces années pour Laurier fut son célèbre discours sur le libéralisme prononcé en 1877 dans la ville de Québec. Dans ce discours, il s’en prend à la fois aux politiciens québécois qui tentent de former un parti catholique et aux éléments extrémistes de son propre groupe qui cherchent à exclure le clergé de toute activité politique. En raison de son habileté politique, l’antagonisme froid entre les hommes d’Église conservateurs et les politiciens libéraux commença peu à peu à se dégeler ; après 1896, aucun anticlérical n’accéda jamais à une charge publique importante et aucun clerc ne s’immisça officiellement en politique.

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En 1885, Laurier devint une figure nationale lorsqu’il prononça un vibrant plaidoyer de clémence en faveur de Louis Riel, qui avait dirigé une rébellion des Métis (peuple mixte d’origine française et indienne) au Manitoba et dont la condamnation à mort provoqua de violentes explosions entre les nationalistes catholiques français du Québec et les groupes britanniques de l’Ontario. Faisant preuve d’un grand courage, Laurier, sans cautionner les actions de Riel, accusa le gouvernement d’avoir mal géré la rébellion. Bien qu’il n’ait pas réussi à sauver Riel, il a établi sa réputation d’homme de principes et d’idéaux élevés. Tout au long de sa vie politique, il a mis l’accent sur la modération et le compromis et est progressivement devenu reconnu comme le seul dirigeant capable de réaliser une réconciliation nationale.

En même temps, il transformait son magnétisme personnel en une arme politique précieuse. Entre 1887 et 1896, il perfectionna l’organisation de son parti, affina la stratégie libérale, fit des alliances politiques, évalua les partisans locaux et appliqua judicieusement son charme personnel à l’emporter sur les adversaires conservateurs et les libéraux dissidents. Il insuffla une nouvelle vie à son parti, par exemple, en militant vigoureusement pour une réciprocité sans restriction, l’octroi de privilèges commerciaux mutuels, avec les États-Unis. Cependant, après que la politique eut atteint son but, il la laissa tomber de sa plate-forme en 1893. Entre 1895 et 1896, il prit la parole à entre 200 et 300 réunions, atteignant ainsi personnellement quelque 200 000 électeurs. Au milieu de 1896, le gouvernement conservateur étant divisé et désorganisé, il mène facilement le Parti libéral à la victoire aux élections générales.

La politique nationale de Laurier. » Désireux de diriger un gouvernement d’unité nationale, Laurier attira dans son premier cabinet des hommes qui s’étaient distingués dans leurs propres provinces. Sa  » politique nationale  » consistait en la protection des industries canadiennes, la colonisation de l’Ouest et la construction d’un réseau de transport efficace. Les années entre 1896 et 1911 sont devenues une période de prospérité pour laquelle le Premier ministre lui-même a donné le slogan : « Le XXe siècle appartient au Canada. »Le budget de 1897 a abaissé les tarifs mais a établi une politique de protection qui a duré jusqu’en 1911. La politique foncière et d’émigration de Laurier demeure peut-être la principale réalisation de son gouvernement. Pendant 15 ans, plus de 1 000 000 de personnes s’installent au Manitoba et dans les territoires de l’Ouest, qui deviennent en 1905 les provinces de la Saskatchewan et de l’Alberta. Le blé est devenu le principal produit des nouvelles provinces des Prairies; des villes et des ports ont vu le jour; les chemins de fer prospérèrent et, en 1903, Laurier annonça la construction d’un deuxième système ferroviaire transcontinental : l’Ouest canadien était devenu le grenier du monde.

Pendant ce temps, l’attention du Premier ministre avait été détournée vers les affaires extérieures. En 1897, 1902, 1907 et 1911, il assista à des conférences impériales au cours desquelles il s’opposa constamment aux propositions britanniques de resserrement des liens qui pourraient engager le Canada à assumer des responsabilités en matière de défense. Il admirait sincèrement les institutions et les politiques libérales de la Grande—Bretagne — il accepta le titre de chevalier (1897) et déclara un jour qu’il serait fier de voir un Canadien d’origine française affirmer les principes de la liberté au Parlement britannique -, mais il n’accepterait jamais une quelconque dilution de l’autonomie canadienne. Ainsi, de ses politiques a commencé à émerger le concept moderne d’une Communauté britannique d’États indépendants.

La guerre d’Afrique du Sud de 1899 marqua le début du déclin de Laurier. Les nationalistes québécois dénoncent sa décision d’envoyer une force de 1 000 hommes, alors que les Canadiens anglais jugent ce nombre insuffisant. Ensuite, une série de disputes virulentes — sur les écoles confessionnelles dans le Nord—Ouest, les lois sur l’observance dominicale, les restrictions des droits linguistiques du français au Manitoba et en Ontario – n’ont cessé d’élargir le fossé entre les nationalités de l’Est et les nouveaux Canadiens de l’ouest et entre Laurier et son Cabinet. À l’approche des élections de 1911, le Premier ministre tente de réunir son parti factieux en négociant un traité de réciprocité avec les États-Unis, mais il échoue. La réciprocité n’a pas détourné le Québec de l’argument convaincant selon lequel chacun des compromis de Laurier était un abandon des droits fondamentaux du Canada français. Chez les Canadiens britanniques, la réciprocité semblait une capitulation opportuniste face aux États-Unis, première étape vers l’annexion. Au cours d’un mois de campagne acharnée en 1911, le premier ministre âgé de 70 ans prononça plus de 50 discours, mais ne put surmonter la puissante combinaison d’intérêts commerciaux impérialistes et de nationalisme sectaire. Il a pris sa retraite avec la dignité que les Canadiens avaient appris à attendre de lui et a passé ses dernières années à titre de chef de l’opposition.

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