Religion civile

Religion civile, profession de foi publique qui vise à inculquer des valeurs politiques et qui prescrit des dogmes, des rites et des rituels pour les citoyens d’un pays particulier.

Cette définition de la religion civile reste cohérente avec son premier traitement théorique soutenu, dans Le Contrat social de Jean-Jacques Rousseau (1762). Rousseau a consacré un avant-dernier et relativement long chapitre de cet ouvrage à une discussion sur la religion civile, en exposant ses éléments conceptuels centraux et en soulignant son importance normative pour une politique corporelle saine. L’objet de la religion civile pour Rousseau est de favoriser les sentiments de sociabilité et l’amour des devoirs publics parmi les citoyens, en étendant ces liens à l’ensemble d’une citoyenneté et de ses membres. La religion civile identifie les dieux et les bienfaiteurs tutélaires pour aider à atteindre ce grand objectif, et son inculcation réussie est censée aider à maintenir la stabilité, l’ordre et la prospérité du pays.

Rousseau propose que les dogmes de la religion civile doivent être simples : ils doivent affirmer l’au-delà, un Dieu à la perfection divine, la notion que le juste sera heureux et le méchant puni, et le caractère sacré du contrat social et des lois de la politique. La religion civile devrait également condamner l’intolérance en tant que question de croyance, a soutenu Rousseau, étant donné qu’il ne pourra plus jamais y avoir de religion nationale exclusive. Une profession de foi civile devrait tolérer toutes et seulement les religions qui tolèrent les autres, a-t-il suggéré, du moins dans la mesure où les groupes religieux respectifs ne défendent pas des croyances contraires aux devoirs des citoyens. De façon plus extrême, Rousseau s’opposait à ce que des sanctions puissent être appliquées à juste titre contre ceux qui n’observent pas la religion civile. Bien que le gouvernement ne puisse pas obliger une personne à croire ses dogmes, celui qui ne les adopte pas peut à juste titre être banni de l’État pour des raisons d’insociabilité. De plus, un citoyen qui reconnaît publiquement les dogmes civils peut être puni de mort si, par la suite, ce citoyen se comporte comme s’il ne les croyait pas.

La religion civile n’est pas identique à l’établissement religieux. Bien que les religions établies reçoivent une approbation symbolique ou une aide financière du gouvernement, elles ne peuvent pas rendre la pareille en soutenant les institutions de l’État ou les devoirs des citoyens. Une religion établie peut prôner la douceur ou le retrait de la vie publique ou promouvoir d’autres valeurs contraires aux objectifs de la citoyenneté. Les religions établies peuvent également donner la priorité aux fins d’un autre monde sur la vie sur terre, ou identifier une direction d’église indépendante des autorités politiques. Rousseau voyait ce dernier problème à la fois commun et pernicieux :  » Partout où le clergé constitue un corps, écrivait-il, il est maître et législateur dans son domaine. »Rousseau a affirmé que Thomas Hobbes était le seul écrivain chrétien assez courageux pour proposer la réunification du christianisme et de l’État, mais que Hobbes avait apparemment mal compris que le christianisme était terrible pour les républiques fondatrices. Rousseau a accusé que le christianisme enseigne aux gens à être excessivement serviles et dépendants, laissant les adhérents impropres au service militaire et prêts à l’esclavage. Fait intéressant, Rousseau a comparé le christianisme contemporain institutionnalisé à la « religion de l’homme”, distinguant cette dernière comme la religion de l’évangile. Il a salué la religion de l’homme comme « sainte, sublime, vraie” mais a ajouté que sa faiblesse réside dans le fait qu’elle manque d’un rapport approprié à l’ensemble politique et, en tant que telle, ne donne aucune force extérieure à l’unité fraternelle qu’elle envisage.

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Rousseau a soutenu que la religion civile a décidé des avantages. Il unit l’amour divin aux lois de son pays, incite les gens à prier pour leur patrie et vivifie le corps politique. Mais la religion civile a des faiblesses distinctes. Parce que ses éléments dogmatiques de sociabilité sont construits et varieront d’un pays à l’autre, il va de soi qu’ils pourraient être mal ou incohérents. De plus, les postulats théologiques de la religion civile peuvent vraisemblablement être faux, ce que Rousseau semblait reconnaître. La religion civile court également le risque de favoriser la crédulité, la superstition et l’intolérance dans le corps politique. En outre, des problèmes moraux ou prudentiels peuvent accompagner les efforts visant à promouvoir ou à perpétuer la religion civile dans un pays pluraliste.

Bien que Rousseau ait pu donner à la religion civile sa première élaboration en théorie politique, le phénomène le précède de plusieurs siècles. L’historien français Numa Denis Fustel de Coulanges a identifié des formes de religion civile dans les fondations des anciennes cités-États de Grèce et de Rome. Et l’historien grec Polybe, écrivant au IIe siècle avant notre ère, a observé des éléments de la religion civile dans son étude de la constitution romaine. Polybe a fait remarquer que la superstition liait l’État romain, ajoutant – avec admiration – que Cela rendait Rome résolument supérieure dans le domaine de la religion. La forme publique de religion des Romains incitait les magistrats à être scrupuleux et consciencieux, proposait Polybe, tandis que les masses inconstantes et sans foi ni loi restaient restreintes par leur peur des dieux et de la punition dans l’au-delà.

Dans les années 1960, le sociologue Robert Neelly Bellah a proposé que la religion civile existe aux États-Unis, qui est imprégnée de divers rituels qui unissent ses citoyens, employant des symboles tirés de religions spécifiques mais qui fonctionnent indépendamment de ces origines. Il a estimé que les États-Unis ont leur propre série de saints et de martyrs (tels que George Washington, Thomas Jefferson et Abraham Lincoln) et qu’un examen des documents fondateurs et des discours inauguraux importants montre comment ils fonctionnent sur l’idée qu’ils sont une nation choisie par Dieu. Cependant, bien que des symboles unifiants, des mythes fondateurs et des rituels publics puissent être trouvés dans un pays, il n’est pas clair si la religion civile est nécessaire à la fondation d’un pays ou à son succès final.

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